Amiens
- Histoire et Géographie
- G.
- Encyclopédie moderne
Amiens, ancienne capitale de la Picardie, est aujourd’hui le chef-lieu du département de la Somme ; elle possède une cour royale et des tribunaux de première instance et de commerce, une académie universitaire, une école secondaire de médecine, un collège royal, une académie des sciences, agriculture, commerce, arts et belles-lettres, un grand séminaire, un musée, une bibliothèque publique ; enfin, elle est le siège d’un évêché, qui fut fonde vers 303.
Les évêques furent originairement seigneurs de cette ville, qui plus tard eut le titre de comté et de vidamie. Les seigneurs de la maison de Boves, qui avaient succédé aux évêques, furent dépossédés par Raoul, comte de Vermanriois. Le gendre de ce dernier céda le comté d’Amiens à Philippe-Auguste, qui, pour libérer ce fief de l’hommage dû à l’évêque, fit à celui-ci quelques concessions au moyen desquelles le prélat renonça à tout droit de suzeraineté.
L’origine d’Amiens se perd dans la nuit des temps. A l’époque de Jules César, cette ville s’appelait Somarobriva et était la capitale des Ambiani, dont elle prit ensuite le nom. César y tint l’assemblée des Gaules. Embellie par Antonin et Marc-Aurèle, elle fut dès lors considérée comme une des cités les plus opulentes de la seconde Belgique. Valentinien y fit reconnaître Auguste son fils Gratien (367). Les Gépides, les Alains, les Vandales et les Francs s’en emparèrent successivement. Vers le milieu du cinquième siècle, Clodion en chassa les Romains, et y établit le siège de son royaume. Mérovée y fut proclamé roi, et sous son règne elle fut dévastée par Attila. Clovis la donna en partage à Clotaire. Elle fit dès lors partie du domaine de la couronne jusqu’à la décadence de la maison de Charlemagne. Elle fut ensuite gouvernée par des comtes, des vidames et des châtelains, qui la firent ceindre de fortifications considérables, et ne purent cependant l’empêcher d’être trois fois brûlée et saccagée par les Normands.
En 1113, l’évêque, qui exerçait les droits de la seigneurie sur une partie de la ville, tandis que le comte et le vidame en possédaient deux autres parties, et que le propriétaire d’une grosse tour qu’on nommait le Châtillon prétendait aux mêmes droits sur les quartiers voisins de sa forteresse, l’évêque, dont la puissance était la plus généralement reconnue, niais la plus faible de fait, favorisa l’établissement d’une commune. Cet évêque, nommé Geoffroy, d’un esprit éclairé et plein de zèle pour le bien général, céda sans efforts et gratuitement aux requêtes des bourgeois, et concourut avec eux à réfection d’un gouvernement municipal. Ce gouvernement, Composé de vingt-quatre échevins, sous la présidence d’un majeur, fut installe au milieu de la joie populaire, sans aucun de ces troubles qui accompagnèrent, en beaucoup de localités, l’établissement d’une pareille innovation. Cependant le comte et le vidame résistèrent ; mais ils furent assiégés dans la tour de Châtillon et obligés de céder. La commune d’Amiens eut d’assez longs jours. Supprimée par Philippe IV, elle fut rétablie par le même roi en l’année 1307. Elle ne perdit ses anciennes prérogatives que lentement et une à une. Sous Henri IV, en 1607, l’élection du majeur et des vingt-quatre échevins subsistait encore.
Ce fut en 1185 que Philippe d’Alsace, seigneur d’Amiens par son mariage avec Isabelle de Vermandois, céda cette ville à Philippe-Auguste. En 1435, Charles VII engagea Amiens avec les autres villes de la Somme à Philippe de Bourgogne, moyennant 400,000 écus d’or. Louis XI paya la somme en 1403, et rentra en possession des villes engagées peux ans plus tard, il les céda de nouveau par le traité de Saint-Maur, au comte de Charolais, avec la réserve de pouvoir les racheter à la mort dudit comte. En effet, à la mort de Charles le Téméraire, Louis XI les recouvra, et les réunit de nouveau et pour toujours au domaine royal. Sous François Ier et Henri II, les Impériaux cherchèrent en vain à se rendre maîtres d’Amiens. Les habitants entrèrent ensuite dans la ligue ou sainte union, et ne se rendirent à Henri IV qu’en 1594. Prise par les Espagnols en 1597, Amiens ne rentra en la puissance du roi de France qu’après un siège long et coûteux.
Les principales assemblées politiques tenues à Amiens furent celle où Louis IX jugea les différends survenus entre Henri III, roi d’Angleterre, et les barons de son royaume (1264) ; celle que tint le roi Jean, à son retour d’Angleterre, pour régler l’imposition de l’aide destinée au payement du reste de sa rançon, et pour prendre les mesures les plus propres à réformer les abus qui étaient nés pendant sa captivité ; enfin le congrès à la suite duquel fut signé le traité de paix de 1802, entre la France, l’Angleterre, l’Espagne et la Hollande.
La ville d’Amiens est située au milieu de campagnes agréables et fertiles ; elle est bien bâtie, entourée de boulevards et baignée par la Somme, qui se divise en canaux pour en arroser l’intérieur. La ville, autrefois forte, est aujourd’hui démantelée. Les édifices et établissements remarquables sont : la cathédrale, un des plus beaux monuments religieux que possède la France, bâtie de 1220 à 1288, et renfermant plusieurs tombeaux, parmi lesquels est celui de Gresset ; l’hôtel de ville, commencé en 1600 et achevé en 1760 ; le collège royal, autrefois abbaye de Saint-Jean, un des plus beaux établissements en ce genre ; le grand séminaire, construit en 1739 ; le château d’eau, alimenté par une belle machine hydraulique ; la promenade dite la Hautoye, qui jouit d’une grande célébrité ; la salle de spectacle habilement disposée et surtout très sonore ; la bibliothèque communale, construite en 1823, et riche de 40,000 volumes imprimés et de 400 manuscrits ; enfin le palais de justice, la citadelle, le jardin des plantes, l’hôpital Saint-Charles, le collège de Saint-Acheul, le cimetière de la Madeleine, etc.
Amiens occupe une place distinguée parmi les cités commerçantes et industrielles de France. Elle communique avec la mer par la Somme ; par son canal, avec celui de Saint-Quentin, qui lui ouvre le bassin de l’Escaut ; par l’Oise, avec le bassin de la Seine. Son industrie comprend plusieurs branches distinctes : la filature de la laine, les étoffes de laine et de soie (le velours entre antres), la filature du coton, les tissus de coton et la bonneterie. En outre, il y a des fabriques de tulles, d’étoffes imprimées, d’huile de vitriol, de savons, un grand nombre d’ateliers de teinture et de blanchisserie ; enfin, on ne peut guère parler du commerce d’Amiens sans mentionner ses pâtés de canard, qui jouissent d’une grande célébrité, et dont elle exporte une quantité considérable.
Amiens est la patrie de Pierre l’Ermite, prédicateur de la première croisade ; de François Fernel, médecin de Henri II, mort en 1558 ; de Jean d’Estrées, grand maître de l’artillerie de France, mort en 1567 ; de l’académicien Voiture, mort en 1648 ; du savant du Cange, mort en 1688 ; de l’érudit Legrand d’Aussy ; du bénédictin dom Bouquet, mort en 1754 ; du poète J.-B. Gresset ; de l’astronome Delambre ; du naturaliste Duméril, etc.