Amiral
- Marine
- J. T. Parisot
- Encyclopédie moderne
Amiral. Titre de l’une des grandes dignités de la couronne dans certains États de l’Europe. En France, de grandes prérogatives étaient attachées autrefois à celte dignité. Antérieurement à 1627, l’amiral avait le commandement en chef des flottes et armées navales de l’État, et la nomination de tous les officiers de la marine ; mais Richelieu, qui s’appliqua avec tant de soin à détruire tout ce qui semblait propre à inquiéter ou entraver le pouvoir royal dont un prince trop faible lui laissait l’entier exercice, parut redouter l’influence que la charge d’amiral pouvait donner à un sujet ambitieux, et la fit supprimer. Louis XIV la rétablit en 1609, mais il se réserva la nomination des officiers de la marine ; il décida aussi que l’amiral ne pourrait plus commander les armées navales sans un ordre exprès de sa part, et il se borna, pour la forme, à lui communiquer les ordres adressés aux commandants des flottes, escadres et divisions navales. Les attributions de l’amiral, ainsi restreintes, étaient encore très importantes : la justice était rendue en son nom dans des tribunaux établis en certains lieux appelés sièges de l’amirauté ; il en nommait les juges et les officiers. L’amiral donnait les congés, passe-ports, commissions et sauf-conduits aux capitaines des bâtiments particuliers armés en guerre ou en marchandises ; il établissait dans les ports le nombre nécessaire d’interprètes, de maîtres de quai, et de personnes chargées de veiller à l’entretien des phares, tonnes et balises. Les ordres que le roi envoyait à ses armées navales lui étaient communiqués, et il contre-signait tous les brevets et commissions des officiers militaires et civils de la marine. Le dixième de toutes les prises faites en mer ou sur les grèves appartenait à l’amiral, ainsi que le dixième des rançons tirées des bâtiments ennemis ; les amendes adjugées aux sièges de l’amirauté lui appartenaient aussi, en tout ou en partie, de même que les droits d’ancrage, tonnage et balises, et le tiers de la valeur des effets tirés du fond de la mer ou apportés par les flots sur le rivage.
La dignité d’amiral de France disparut naturellement avec l’autorité monarchique, dont elle était un des plus brillants accessoires ; par une conséquence non moins naturelle, on la vit reparaître auprès du trône impérial. Napoléon en investit son beau-frère Murat. Au retour de la famille des Bourbons, la dignité d’amiral fut conférée au duc d’Angoulême. Toutefois, sous l’empire, comme depuis la restauration, l’amiral de France n’a plus joui des immenses prérogatives attachées à cette haute dignité sous l’ancien régime. Elles se sont trouvées réduites à la communication des ordres royaux et au contre-seing des brevets et commissions des officiers de la marine ; encore, pendant tout le temps que Napoléon porta la couronne impériale, l’amiral de France, placé par son tout-puissant beau-frère sur un trône étranger, ne jouit-il pas même de ces insignifiantes prérogatives.
En Angleterre, la dignité de grand amiral, réservée anciennement aux plus proches parents du monarque, et quelquefois au roi lui-même, a, depuis longtemps, cessé d’être l’apanage d’un membre de la famille royale ou de quelque autre personnage éminent. Cet usage, qui, dès le temps de Charles Ier, n’était plus exactement observé, bien que Jacques II, étant duc d’York, ait commandé une armée navale, prit fin sous le règne de la reine Anne ; le prince George de Danemark, son époux, est le dernier grand amiral qu’ait eu l’Angleterre. Les fonctions de ce haut emploi ont depuis lors été exercées par une commission dont les membres portent le titre de lords de l’amirauté.
En France, amiral est le titre du premier grade de la marine militaire ; mais, comme on vient de le dire, sous l’ancien régime, ce titre était devenu purement honorifique, et, à proprement parler, le grade n’existait point, puisque le personnage qui seul en était revêtu ne commandait, pour ainsi dire, jamais une armée navale. Nos généraux de mer du rang le plus élevé n’avaient que le titre de vice-amiraux ; après eux venaient les contre-amiraux. Il s’ensuivait que la marine française ne comptait que deux rangs d’officiers généraux. Les marines étrangères ont presque toutes, outre un amiral en titre ou grand amiral, des amiraux effectifs, c’est-à-dire qui vont à la mer et commandent des armées navales. Plusieurs considérations importantes devaient déterminer la France à imiter les autres États à cet égard. La création d’un grade d’amiral devait avoir, entre, autres avantages, celui d’exciter une utile émulation parmi les vice-amiraux, et de remédier au grand inconvénient de ne voir jamais le commandement en chef échoir à un officier général français, dans le cas d’une combinaison des forces navales de la France avec celles d’une puissance chez laquelle les commandants d’armées navales ont le titre et le grade d’amiral. Le gouvernement actuel a bien senti l’importance de ces considérations ; aujourd’hui la dignité d’amiral existe réellement. Les amiraux ont rang de maréchal de France ; le grade de vice-amiral équivaut à celui de lieutenant général, le grade de contre-amiral à celui de maréchal de camp.
L’usage établi dans toutes les marines, pour distinguer les vaisseaux que montent les différents chefs d’une armée navale, est que le vaisseau monté par un amiral ait un pavillon carré de la couleur nationale en tête du grand mât ; celui d’un vice-amiral, un pavillon semblable en tête du mât de misaine ; et celui d’un contre-amiral, en tête du mât d’artimon.
Le nom d’amiral se donne à un vieux bâtiment de guerre sur lequel, dans chaque port, est arboré le pavillon d’amiral. Le poste principal du port ou de l’arsenal est établi sur ce bâtiment ; c’est aussi à bord du bâtiment amiral que se tiennent les conseils de guerre, et qu’ont lieu les exécutions qui suivent leurs sentences. On y passe tous les trimestres les revues des officiers et autres entretenus de la marine. Le bâtiment amiral est un lieu d’arrêts pour les officiers, et contient une prison pour les matelots.