Amulette
- Histoire
- Alfred Maury
- Encyclopédie moderne
Amulette. Ce mot sert à désigner des objets que l’on porte sur le corps et auxquels on attribue la propriété d’écarter, soit les douleurs et les maladies, soit les événements fâcheux ; il n’est que 1a transcription française du latin amuleta, originairement amoleta, que Vossius fait dériver d’amoliri, éloigner, chasser.
Qu’un danger imminent ait été détourné de dessus la tête d’une personne au naturel crédule et superstitieux, qu’une douleur qui assiégeait cette même personne se soit tout à coup apaisée, qu’un événement heureux soit venu, à l’improviste, la tirer d’un état de misère ou d’inquiétude, rarement son esprit reportera ce changement à sa véritable cause. Au lieu d’y voir le résultat de l’enchaînement des circonstances, du concours des événements amenés par la nature des événements antérieurs, d’une réaction opérée dans l’économie en vertu des lois physiologiques, elle rattachera ce fait à une cause qui lui est parfaitement étrangère, et attribuera la production de ces vicissitudes, auxquelles leur caractère imprévu donne une apparence miraculeuse, à un objet qui leur est au fond indifférent. Que cet objet ait frappé surtout cet esprit superstitieux, que les croyances religieuses qu’il rappelle, dont il est l’image, lui donnent une importance toute spéciale, et dès fors cette fausse association d’idées aura lieu immanquablement : le changement qui s’est opéré sera regardé comme l’effet de l’objet. Une fois justifiée par une circonstance fortuite, par la rencontre d’un événement produit et d’une cause qui n’a pu en aucune façon l’engendrer, mais que l’on tient cependant comme l’amenant nécessairement, la foi à la cause sera définitivement établie ; et, cette erreur se propageant, tous les objets de même nature que ceux auxquels on a primitivement attribué une action imaginaire, seront acceptés comme des moyens certains d’enfanter ces heureux événements que l’homme appelle de tous ses vœux. C’est ainsi qu’est née la croyance aux amulettes, superstition grossière, fruit, comme on le voit, de l’ignorance des causes réelles, et dont la persistance est due aux hasards qui semblent confirmer quelquefois l’efficacité de leur emploi.
L’Orient est la patrie des amulettes, ainsi que de la plupart des croyances qui ont exercé le plus d’empire sur l’esprit humain. Les Juifs connaissaient les amulettes, sous le nom de tothaphoth. Moïse, pour détruire chez son peuple cette superstition, ordonna que l’on portât à la main ou attachés sur le front les préceptes de la loi ; qu’on les inscrivît au seuil des maisons et sur les poteaux de la porte ; substituant ainsi à une pratique superstitieuse un usage d’un but tout moral, qui devait sans cesse rappeler à l’Israélite les devoirs qu’il avait à remplir. Mais cette coutume de porter des sentences tirées du Pentateuque inscrites sur ses vêtements, des tephillim, comme les nommaient les Hébreux, dégénéra promptement en une superstition absolument semblable à celle que Moïse avait voulu combattre ; et l’un attacha bientôt à ces phylactères une vertu matérielle et intrinsèque, qui les transforma en de véritables amulettes : les femmes juives portaient également certains bijoux, auxquels elles attribuaient une puissance préservative. Les lekhaschim ou figures de serpents, dont parle Isaïe, étaient de ce nombre ; ils avaient la propriété d’écarter les mauvais esprits et les animaux venimeux. En général, on supposait, par le principe similia similibus, que les images d’esprits et d’animaux malfaisants écartaient ces animaux eux-mêmes. C’est ainsi que la croyance qui faisait porter des serpents aux femmes juives fit élever par Moïse le serpent d’airain, pour guérir ceux qui avaient été piqués par ces reptiles.
A l’époque du Christ, l’usage des amulettes et des charmes était fort accrédité chez les Hébreux. On attribuait à Salomon la composition de plusieurs de ceux qu’on tenait comme les plus puissants. L’historien Josèphe nous apprend qu’on chassait avec eux les mauvais esprits et les maladies. Cette superstition provenait évidemment des anciens Persans, chez lesquels les tahvids ou taavids jouaient identiquement le rôle des phylactères hébreux. On les appliquait de même sur différentes parties du corps, pour se préserver de différents maux. Et ce qui ajoute à la ressemblance, c’est que tous ces tahvids étaient faits au nom de Feridoun, roi célèbre dont l’histoire offre plus d’une analogie avec celle de Salomon.