Anémone

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Anémone. L’un des ornements printaniers de nos jardins, l’anémone est encore l’une des plus belles fleurs de nos champs. Parmi les espèces dont s’empara la culture, pour les doubler, il en est une, originaire du midi de la France, qui rivalise en éclat avec ce que l’Orient a de plus riche en ce genre. On raconte que l’anémone était entretenue chez les Turcs dans les jardins du sérail, et qu’un ambassadeur français, pour s’en procurer de la graine, sur le refus qu’on lui en avait fait, ayant obtenu la permission de visiter le parterre du harem, laissa flotter le pan de sa robe sur des anémones dont les semences étaient en maturité. Quelques-unes de ces semences s’y purent accrocher à l’aide des barbes qui les garnissent, et nous parvinrent par un larcin qui n’était pas nécessaire : l’anémone qui en était l’objet, anemone coronaria des botanistes, et qu’on a crue si longtemps originaire de Constantinople, croissait en France. Nous y possédons aussi l’œi-de-paon, anemone pavonina, qui ne lui cède pas en beauté.

Les anémones se multiplient par la séparation de leurs racines, qui portent le nom de pattes ou de grilles. De plus de quarante espèces connues, dix-huit croissent spontanément en Europe, onze dans l’Amérique septentrionale, cinq dans la méridionale, deux dans l’Afrique du Sud, aux environs du cap de Bonne-Espérance, trois en Orient, cinq en Sibérie, deux dans l’Inde, et une au Japon ; il en est même qui sont communes aux parties septentrionales des deux mondes. Celle que l’on appelle l’hépatique, et dont plusieurs botanistes prétendent former un genre distinct, est l’une des premières fleurs qui paraissent aux approches du printemps : on la cultive en bordures dans nos jardins, où la couleur pourpre ou bleu pâle de ses corolles produit le plus charmant effet.

L’anemone coronoria fleurit dans nos jardins du 15 avril à la fin de mai, et les fleuristes en ont obtenu de nombreuses variétés à fleurs doubles ; voici les qualités qu’elles doivent avoir pour être considérées comme belles : 1° Un pampre (feuillage) épais, bien découpé, d’un bon vert ; 2° la fane (collerette ou involucre) de même, mais éloignée de la fleur du tiers de la longueur de la baguette (tige) ; 3° celle-ci haute, ferme, droite ; 4° la fleur proportionnée à la tige, d’une belle forme, c’est-à-dire bombée et en bouton ; 5° les pétales (manteau de la circonférence) épais, arrondis, d’une couleur franche, avec le limbe et la culotte (l’onglet) d’une autre couleur ; les pétales formant le cordon (rang immédiat après le manteau), courts, larges, arrondis, et surtout d’une couleur tranchante ; les béquillons ovaires avortés, changés en pétales, formant le cercle qui suit le cordon, nombreux, peu pointus, en accord avec la panne ou peluche (ovaires du centre changés en pétales ) ; les pétales de cette dernière partie allongés et proportionnés de manière à former en totalité un disque bombé ; 6° enfin, la fleur ne doit pas avoir moins de 55 à 80 millimètres de largeur.

Pour obtenir de nouvelles variétés qui aient toutes ces qualités, il faut semer. Pour cela, on choisit parmi les anémones simples celles dont les couleurs sont les plus recherchées, les fleurs les plus larges, les plus régulières, et enfin dont les tiges sont les plus fortes. Lorsque les ovaires fécondés mûrissent, on les coupe et on les conserve dans un lieu sec jusqu’au moment de semer. Dans les climats où le froid n’excède jamais 8 à 10 degrés, on peut semer en automne ; dans les climats plus froids, on attend au printemps. Quand le semis est levé, on a soin de le tenir toujours net de toutes herbes étrangères ; on le bine, on l’arrose et on le conduit comme celui des renoncules. A la fin de juin, quand les fanes sont desséchées, on relève les pates ou racines, alors nommées pois. On les place à l’air dans un lieu ni trop sec ni trop humide : ensuite on les met dans des boîtes ou casiers jusqu’à l’automne ou jusqu’au printemps, pour les planter.

La seconde année, beaucoup de ces anémones fleurissent. On choisit et on marque les belles pour leur donner, l’année suivante, la place qu’elles doivent occuper. Parmi les simples, on conserve aussi celles dont les formes et les couleurs promettent, et on les cultive pour en obtenir de la graine.