Appel comme d’abus

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Abus (Appel comme d’). Le mot abus a longtemps été spécialement employé pour désigner les entreprises des ecclésiastiques contre la juridiction et les droits des laïques. Lorsqu’il y a abus de ce genre, pour l’arrêter on en interjette appel.

Dans l’ancien droit français, les appels comme d’abus étaient déférés tantôt aux parlements ou aux conseils souverains, comme ceux de Roussillon et d’Alsace (règlement de 1695, art. 35), tantôt au conseil du roi (édit du mois de juillet 1775). Ainsi la limite de la juridiction dans laquelle tombait l’appel comme d’abus n’était pas bien fixée. De nos jours, la législation a également flotté ; on a eu deux fois le projet de déférer la connaissance des appels comme d’abus aux cours royales, mais ils sont restés dans les attributions du conseil d’État.

L’État, en se séparant de l’Église, et en la laissant se gouverner selon ses canons, n’a pas entendu renoncer au droit de surveillance qui est l’essence de sa nature et permettre qu’il y ait dans son sein des individus tellement indépendants qu’ils échappent à son pouvoir. Le caractère religieux du prêtre ne peut lui faire perdre sa qualité innée de citoyen. Si pour la conservation de ses intérêts il réclame la protection de l’État, l’État doit pouvoir exiger de lui l’obéissance et l’assurance qu’il ne troublera point l’ordre public. Lorsque le prêtre manque au respect qu’il doit au gouvernement établi et abuse de sa position, celui-ci doit le rappeler à ses devoirs, pour faire cesser le désordre.

Il y a deux sortes d’abus pour lesquels il peut y avoir recours au conseil d’État : 1° l’abus commis par un ecclésiastique ; 2° l’abus commis par un fonctionnaire laïque touchant des droits ecclésiastiques.

La loi du 18 germinal an x désigne comme abus commis par les ecclésiastiques :

1° L’usurpation ou l’excès de pouvoir ;

2° La contravention aux lois et règlements de l’État ;

3° L’infraction des règles consacrées par les canons reçus en France ; l’attentat aux libertés franchises et coutumes de l’Église gallicane ;

4° Toute entreprise ou tout procédé qui dans l’exercice du culte peut compromettre l’honneur des citoyens, troubler arbitrairement leur conscience, dégénérer contre eux en oppression ou en injure ou en scandale public.

L’abus commis par un fonctionnaire public laïque a lieu lorsque celui-ci porte atteinte à l’exercice public du culte et à la liberté que les lois et règlements garantissent à ses ministres.

Il peut y avoir recours toutes les fois qu’il y a abus. Ce recours doit être formé par toute personne intéressée ; il peut aussi être exercé d’office par le préfet, et même directement par le ministre des cultes.

La personne formant ce recours doit adresser un mémoire détaillé au ministre des cultes, lequel fait son rapport, après avoir pris les renseignements convenables. L’affaire se poursuit alors administrativement, et se termine par une ordonnance royale délibérée en conseil d’État. Lorsque l’abus est reconnu, l’ordonnance déclare qu’il y a abus, et, quelquefois, lorsqu’il s’agit d’un mémoire ou de toute autre publication, la suppression en est ordonnée. C’est là toute la pénalité portée contre l’abus ; ce n’est qu’une simple censure qui, bien qu’elle vienne du roi, a de nos jours fort peu de valeur. Sous l’empire, quoiqu’il n’y eût pas encore lieu à remarquer l’insuffisance de cette disposition, on avait songé cependant à établir une pénalité plus forte ; c’est ce qu’annonçait le décret du 25 mars 1813. Mais le projet de loi ne fut point présenté, et les choses sont restées en leur premier état.

Quand y a-t-il abus ? À quoi le reconnaît-on ? Nous avons dit plus haut qu’il y a abus lorsqu’il y a excès de pouvoir. Il y a des cas où l’abus est patent ; d’autres où il est moins facile à saisir. Nous dirons cependant qu’il y a abus dans le refus public de donner les sacrements ou la sépulture ; d’accepter pour parrain ou marraine telle ou telle personne ; car alors non-seulement il y a infraction aux canons, mais il y a injure contre les personnes. Il y a encore abus dans les reproches adressés publiquement dans l’église ou bien dans la publication faite au prône d’un objet étranger au culte : dans ces deux cas il peut y avoir du scandale. Il y a encore abus dans la célébration religieuse du mariage donnée avant qu’il ait été justifié de l’acte de mariage civil ; enfin, il y a abus dans le mémoire d’un évêque (mémoire auquel ont adhéré d’autres évêques), sur un projet de loi en discussion.

Nous ne pouvons énumérer ici tous les cas d’abus qui peuvent se présenter ; ceux que nous avons indiqués suffisent pour faire voir que ce délit ne peut être de la compétence des tribunaux ordinaires. Il serait à souhaiter cependant que cette matière fût réglée d’une manière plus précise et que la déclaration d’abus, au lieu d’être une simple censure dont on fait peu de cas, fût, comme l’avait voulu l’empereur, suivie d’une véritable pénalité.

Traité des deux puissances, ou Maximes sur l’Abus, par l’abbé de Foy, 1752, in-12.

Questions de droit administratif, par M. de Cormenin, 1826, 2 v. in-8o.