Abencerrages et Zégris
- E. Barrault
- Encyclopédie de famille
Abencerrages et Zégris. Les Abencerrages étaient une des premières et des plus puissantes familles d’Espagne au temps de la domination des Arabes à Grenade. La famille des Zégris, qui occupait à la cour des rois de Grenade les fonctions les plus importantes, était l’ennemie déclarée des Abencerrages. L’amour d’un Abencerrage pour la sœur du roi Abou-Hassan, qui régnait depuis 1465, précipita la perte de cette race. Abou-Hassan attira sous un prétexte spécieux tous les Abencerrages à l’Alhambra, et les fit impitoyablement massacrer sous ses yeux. Conde a donné les détails les plus étendus sur l’histoire de la rivalité des Abencerrages et des Zégris, histoire dont la poésie s’est emparée si souvent pour la parer de ses plus brillantes couleurs. Ginez Perez de Hita, Mlle de Laroche-Guilhem, la tendre Scudéry et Mme de Lafayette ont successivement traité ce supplément aux Romanceros de l’Espagne. Florian s’empara aussi de ce sujet ; et enfin, le chantre d’Atala et de René a immortalisé cet épisode des guerres civiles de Grenade, où brillent le génie et les passions d’une race glorieuse éteinte sans retour. Son Dernier Abencerrage est bien sans doute la dernière fleur de cette poétique couronne. Si l’histoire conteste à la poésie la vérité des scènes qu’elle raconte d’après Perez de Hita, elle lui accorde du moins l’existence des personnages. C’est elle qui nous apprend que les Abencerrages étaient une tribu vaillante, qui jouissait à Grenade, entre autres privilèges, de celui de fournir à la capitale son premier kaïd. Ils prétendaient descendre des rois de Maroc et de Fez et du grand Miramolin. Leur nom, Ebn-Serradj, veut pourtant dire tout simplement fils de sellier.
Quant aux Zégris, qui dans le poème remplissent le rôle des traîtres de nos mélodrames modernes, ils descendaient des rois de Cordoue. Mohammed Ier, roi de Grenade, pour assurer ses frontières, y élevait des places fortes, qui dans le angage imagé des Arabes étaient des dents prêtes à mordre l’ennemi. Les cavaliers auxquels il en confiait la garde prirent le nom de Soghris (défenseurs des frontières : de soghrours, râtelier, et par extension frontières), dont par corruption on a fait Zégris. Ces cavaliers conservèrent au sein même des galanteries de la cour grenadine cette rudesse des camps qui effarouchait les regards des Daxara, des Fatima, des Zayda et de toute cette adorable pléiade dont les cavaliers se disputaient l’amour. « Entre ces rudes cavaliers et les Abencerrages galants, gentils-hommes, beaux, discrets, bien élevés, » au dire de Perez de Hita, la lutte devait éclater ; les Soghris, fiers de l’importance de leurs services, avaient en outre l’orgueilleuse âpreté du fanatisme arabe, et à leurs yeux les Abencerrages, amis des chrétiens, étaient presque des infidèles. Muza, frère du roi, va même jusqu’à leur reprocher d’être les descendants des chrétiens, dans une violente querelle survenue entre Aben-Habet, Abencerrage, et Mohammed, Zégri, querelle dont la belle Daxara, « la fleur de Grenade, » était la cause involontaire.