Rimant sans l’aveu d’Apollon,
Iront te fatiguer de leurs vaines paroles
Sans que j’aille en grossir l’ennuyeux escadron
Tu verras mon respect t’honorer au silence
Où l’on se tient devant les rois :
Ton mérite en dit plus que toute l’éloquence,
Et ton nom seul plus que ma voix.
C’est à la renaissance des lettres, sous le règne de François Ier, que nos poètes mirent l’acrostiche en honneur ; cet honneur dura jusque bien avant dans le siècle de Louis XIV : il était de toute justice que cette ingénieuse poésie vînt briller au milieu de l’éclat même de la littérature, après avoir présidé à sa renaissance.
On appelle sonnet-acrostiche un sonnet dont chaque vers commence par une des lettres qui fait le sujet de la pièce. Telle est telle qui a été composée pour Louis XIV, sur le nom de Louis de Bourbon, après la victoire remportée en 1693 par Catinat, et qui réunit les charmes du sonnet, de l’acrostiche et des rimes, avec un écho qui continue le sens de chaque vers.
Nous avons bien aujourd’hui quelques poésies qui ne manquent pas de mérite ; mais on ne fait plus guère d’acrostiches !
Le comte de Marcellus ayant adressé à M. de Bonald un acrostiche sur son nom, l’illustre écrivain lui répondit par l’acrostiche que voici :
Malheur à l’écrivain qui poursuit l’acrostiche ! Apollon ne veut pas que ses chers nourrissons,
Ruminant sans honneur une rime postiche,
Courent avec effort après quelque hémistiche,
Et dans ce froid labeur négligent ses leçons.
Le dieu du goût, ami, te donna le génie,
Le sentiment du beau, la grâce, l’harmonie.
Use de ses faveurs, mais n en abuse pas ;
Sois Rousseau, sois Horace, et non pas Du Bartas.
On cite encore quelquefois cet acrostiche original d’un poète sans argent :
Louis est un héros sans peur et sans reproche.
On désire le voir. Aussitôt qu’on l’approche,
Un sentiment d’amour enflamme tous les cœurs.
Il ne trouve chez nous que des adorateurs ;
Son image est partout, excepté dans ma poche.