Aigle
- Encyclopédie de famille
Aigle. Cet oiseau de proie est le type d’un genre de l’ordre des rapaces, de la famille des faucons, dont les caractères principaux sont un bec très fort, courbé seulement vers sa pointe, et dont la base est garnie d’une cire poilue ; des tarses robustes, courts ou moyens, emplumés jusqu’aux doigts ; des doigts forts et peu allongés ; des ongles puissants, très arqués, creusés en dessous en gouttière, dont les bords forment des lames tranchantes (celui du milieu a trois lames) ; des ailes longues, obtuses, dont les pennes sont inégales, la quatrième étant ordinairement la plus longue de toutes.
L’aigle n’a pas dans la forme de ses doigts de grands moyens de préhension ; mais ce qui lui manque sous ce rapport est bien compensé par la force de ses ongles, dont le grand développement et les lames inférieures comprimées font de ses serres des poignards acérés, à plusieurs tranchants, au moyen desquels il saisit et lacère sa proie. Ce n’est qu’après cinq ou six mues, c’est-à-dire cinq ou six années, que le plumage des aigles atteint sa perfection et l’état invariable qui distingue les espèces. Les grandes pennes des ailes et de la queue sont les dernières parties qui changent de couleur. Dans le cours de ces différentes mues non-seulement les couleurs du plumage varient, mais la longueur proportionnelle de la queue et des ailes présente des différences très marquées. Ainsi, chez le jeune aiglon la queue est bien plus longue que chez l’adulte. La femelle, plus grande que le mâle, atteint quelquefois 2m,60 d’envergure. Les aigles surpassent en courage tous les autres oiseaux ; leur regard est étincelant ; leurs yeux perçants distinguent du haut des airs l’humble animal rampant sur l’herbe ; leur démarche est hardie, tous leurs mouvements très énergiques ; dans le repos ils tiennent la tête haute, et restent fièrement dressés sur leurs membres.
Les aigles habitent particulièrement, comme les vautours, les grandes chaînes de montagnes, où ils chassent les oiseaux et les mammifères ; parmi ceux-ci ce sont surtout les lièvres, les agneaux, les chevreaux, les jeunes daims ou cerfs qu’ils préfèrent. Ils ne se nourrissent en général que de proie vivante ; cependant, quand celleci leur manque, ils se rabattent sur les cadavres. Il est très rare d’en trouver plus d’une paire dans la même portion de montagne. Us se construisent dans un lieu inaccessible, entre deux rochers ou sur un w arbre élevé, un nid qu’on appelle aire, et qu’ils conservent ordinairement toute leur vie. Ce nid est tout plat, et a pour abri des branchages ou une avance de rochers. C’est une espèce de plancher, large de plusieurs pieds, formé de perches appuyées par leurs deux bouts, traversées par d’autres branches flexibles, et recouvertes de plusieurs lits de joncs et de bruyères. C’est là que l’aigle et sa femelle transportent leur proie, quand ils ne la dévorent pas sur place, et qu’ils déposent chaque année deux ou trois œufs au plus, dont l’incubation dure trente jours. Lorsque leurs aiglons sont assez forts pour voler, ils les chassent au loin, et les empêchent de revenir. La vie de l’aigle est fort longue et peut, assure-t-on, depasser cent ans ; s’il faut même en croire Klein, leur existence s’étendrait à plusieurs siècles.
Le genre aigle renferme différentes espècei ; voici les principales.
L’aigle royal ou aigle commun est l’espèce la plus répandue dans toutes les grandes contrées montagneuses de l’Europe. Il est long de 1m,17 environ, d’un brun plus ou moins foncé ; les plumes de la tête effilées, d’un roux doré ; la queue noirâtre, marquée de bandes irrégulières et cendrées. Dans la jeunesse il a la queue blanche dans sa moitié supérieure, noire dans l’autre.
L’aigle impérial, long de 1m pour la femelle et de 0m,83 pour le mâle, a les ailes plus longues proportionnellement que l’aigle royal ; le sommet de la tète et l’occiput tout garnis de plumes acuminées, roussâtres, bordées de roux ; la poitrine noirâtre, le ventre roux, le manteau brun avec quelques plumes blanches ; la queue cendrée avec des bandes noires. La femelle est d’un fauve taché de brun. L’aigle impérial se trouve dans les grandes forêts montagneuses de l’est et du midi de l’Europe ; il est très commun en Égypte. Il surpasse en force l’espèce précédente, et est plus redoutable qu’elle pour les autres oiseaux. Son cri est sonore, terrible. Il donne la chasse aux daims et aux chevreuils, dont il emporte dans son aire des lambeaux énormes.
L’aigle criard, ainsi nommé à cause du cri plaintif qu’il répète fréquemment, est d’un tiers environ plus petit que les précédents. Il est aussi beaucoup moins hardi, et ne se nourrit que d’animaux faibles. Il habite les forêts montagneuses de l’Allemagne, de la Russie, du midi de l’Europe et de l’Afrique orientale.
L’aigle est d’un fréquent usage dans l’allégorie. Ainsi dans la mythologie antique, l’aigle, comme roi des oiseaux, était l’oiseau par excellence de Jupiter et portait la foudre dans ses serres. Cet oiseau est considéré comme l’emblème de la toute-puissance.
Chez les Grecs l’aigle avait donné son nom au fronton, soit que cette partie des monuments rappelât la forme de cet oiseau, les ailes éployées, soit que l’aigle en fût l’ornement ordinaire, ou qu’il la dominât seulement.
On croit généralement que les Perses furent le premier peuple de l’antiquité qui adopta l’aigle pour enseigne. Parmi les attributs de la royauté que les Étrusques envoyèrent en signe d’amitié aux Romains, se trouvait un sceptre surmonté d’un aigle en ivoire ; c’est depuis cette époque que l’aigle devint un des principaux attributs de la république romaine, attribut que les empereurs conservèrent religieusement. Les Romains eurent bien encore, pendant les cinq premiers siècles qui suivirent la fondation de Rome, d’autres enseignes pour conduire leurs légions à la conquête au monde ; mais, en l’an de Rome 650, Marius les supprima toutes sans exception, et fit de l’aigle l’enseigne principale et unique des armées de la république. On voit encore figurer l’aigle romaine dans les armées de Valentinien II, de Justinien et de leurs successeurs, jusqu’à la fin de l’empire d’Orient. L’aigle portée en tête des armées perses était d’or, aux ailes éployées. Chez les Romains les aigles furent d’abord en bois, accompagnées plus tard de couronnes, puis en argent, avec des éclairs d’or entre leurs serres. Sous César et ses successeurs elles Turent d’or massif, mais sans foudre. L’aigle était fixée au haut d’une lance et servait de guide aux légions.
À la chute de l’empire d’Occident on vit disparaître aussi les aigles romaines. Napoléon adopta l’aigle pour l’emblème de la France impériale. On vit l’aide romaine figurer non-seulement sur la hampe des drapeaux français, mais sur les armes de l’empire, sur le sceau, de l’État, sur le revers de la Légion d’honneur, dont le plus haut grade était celui de grand aigle, avec un aigle d’or pour attribut, etc. Un décret du 31 décembre 1851 a rétabli les aigles sur les drapeaux de l’armée française. Le prince président distribua les nouveaux drapeaux a l’armée dans une grande solennité, au Champ de Mars, le 10 mai 1852. Pendant la guerre d’Italie, par une décision du 14 juin 1859, Napoléon III a rétabli l’usage de décorer les aigles des corps qui se distinguent en prenant un drapeau ou un canon à 1 ennemi. Le 2 décembre 1852 l’aigle redevint le type du sceau de l’État : elle meuble le centre des armes de l’empire. Elle figure sur les plaques des coiffures de l’armée, sur les gibernes de la garde impériale, sur nos monnaies, etc.
L’aigle à deux têtes fut d’abord en usage chez les empereurs d’Orient, qui, dit-on, par ce symbole désignaient leurs droits à l’empire d’Orient et à celui d’Occident. Les empereurs d’Occident empruntèrent plus tard ce symbole ; mais on n’est pas d’accord sur le premier qui se servit de ce signe : les uns nomment Othon IV, les autres Sigismond.
L’aigle à deux têtes se trouve encore dans les armoiries d’Autriche et de Russie. La Prusse a adopté pour armoirie l’aigle noir, et la Pologne avait l’aigle blanc. La Sicile et la Sardaigne, ainsi qu’un grand nombre de princes, de comtes et de barons de l’empire d’Allemagne, ont adopté des emblèmes où se trouve figuré ce roi des oiseaux. L’aigle devint aussi l’emblème de beaucoup d’ordres de chevalerie, tels que l’ordre Teutonique, de Jérusalem, l’ordre de l’Aigle Blanc de Pologne, les ordres de l’Aigle Rouge et de 1 Aigle Noir de Prussse, les ordres russes de Saint-André et de Saint-Alexandre Newski. L’aigle figure sur les étendards des puissances qui l’ont dans leurs armes. Le malheureux empereur du Mexique, Maximilien, avait créé un ordre de l’Aigle mexicain.
Dans la guerre de l’Indépendance, les États-Unis prirent pour drapeau une aigle sur champ d’azur semé d’étoiles. Lorsque l’ordre de Cincinnatus fut fondé en Amérique, l’aigle en fut la décoration. Cet oiseau figure en outre sur les monnaies américaines. De là vient qu’on désigne sous le nom d’aigle une monnaie d’or des États-Unis valant 5 dollars ou 27 francs 60 centimes. Il y a aussi aux États-Unis des double-aigles et des demi-aigles.
Considéré comme emblème, le mot aigle est ordinairement féminin ; cependant on fait exception dans le blason pour l’aigle noir, l’aigle blanc, etc., et plusieurs poètes ont gardé le masculin même pour les aigles romaines.
On a encore donné le nom d’aigle au pupitre des églises qui représente cet oiseau les ailes étendues et qui reçoit les livres placés devant les chantres.
Enfin les alchimistes employaient ce nom avec un adjectif pour désigner diverses substances chimiques ; et dans l’astronomie c’est le nom d’une constellation boréale.