Alchimie
- Encyclopédie de famille
Alchimie. Les prêtres de Thèbes et de Memphis paraissent avoir été les premiers adeptes de l’alchimie, que l’antiquité appelait art sacré. Ils attribuaient à Hermès Trismégiste la révélation de cet art, que les Grecs nommaient aussi art hermétique. Leurs pratiques étaient enveloppées de mystères ; ils ne les révélaient qu’à un petit nombre d’initiés, qui s’étaient engagés à ne les pas divulguer, sous peine de perdre la vie en cas de révélation ; les prêtres se débarrassaient de l’indiscret ou du traître par un poison tiré de la feuille et de l’amande du pêcher, sans doute l’acide hydrocyanique. Comme ils étaient parvenus à décomposer et à recomposer certains corps, qu’au moyen de la coupellation ils avaient obtenu de l’argent avec du plomb argentifère, qu’ils avaient observé que les vapeurs d’arsenic blanchissent le cuivre, fait connu dès une haute antiquité et qui avait donné naissance à une multitude d’allégories mystiques sur les moyens de transformer le cuivre en argent, ces prêtres aspiraient à reproduire l’œuvre de la création, et, pensant pouvoir saisir les procédés les plus secrets de la nature, ils voulaient contraindre la matière à prendre les formes qu’ils lui imposeraient. « Tout est dans tout » était leur axiome de prédilection ; et une des plus vastes conceptions philosophiques, l’unité de la chose créée, formait le fond général du système. Lorsque l’on fait tomber du mercure en pluie fine sur du soufre en fusion, on obtient une matière noire, qui, chauffée dans un vase fermé, se volatilise sans s’altérer et se transforme en une belle matière rouge. Ce phénomène a contribué sans doute à établir ce fameux principe, point de départ de l’alchimie, que tous les corps, et particulièrement les métaux, sont des composés de soufre et de mercure. Les livres juifs témoignent du pouvoir surnaturel des prêtres égyptiens, et Moïse, qui avait été leur adepte, y est représenté brûlant dans un fourneau le veau d’or et le transformant en or potable, problème presque aussi difficile que celui de la transmutation directe. Les plus anciens ouvrages d’alchimie que l’on ait sont ceux que l’on attribue à Hermès ; mais ils ne remontent pas au delà de l’école d’Alexandrie. À dater de l’époque de la prise d’Alexandrie par les Arabes, en 640, la science d’Hermès parut tomber dans l’oubli ; toutefois, elle continua d’être l’objet de patientes et secrètes recherches, et dès que l’empire des khalifes fut fondé et que les Arabes commencèrent à cultiver les diverses sciences connues de leur temps, l’art hermétique devint, sous le nom, moitié grec, moitié arabe, d’alchimie, le but des travaux d’un grand nombre d’hommes remarquables ; et ce culte pour l’alchimie se maintint pendant tout le moyen âge.
L’alchimie se proposa un double but : la transformation des métaux vils en métaux précieux, et la découverte d’un remède général contre toutes les maladies, un moyen de soulager les infirmités de la vieillesse, de rajeunir et de prolonger la vie. Pour le grand œuvre, la transformation des métaux, les alchimistes croyaient avoir besoin d’une substance qui, contenant en elle-même le principe de toutes choses, eût la vertu de décomposer un corps en ses diverses parties. Ce moyen général d’analyse qui devait en même temps purger le corps de tout principe de maladie et renouveler la vie, fut appelé pierre philosophale, élixir philosophal, panacée universelle. Une catégorie plus élevée des adeptes cherchait en outre l’âme du monde, qui devait donner la suprême félicité dans le commerce de Dieu et des esprits.
La recherche de la pierre philosophale pouvait se faire de deux manières, par la voie sèche et par la voie humide. La première, qui était celle où l’on employait la calcination, donnait la pierre philosophale sous forme d’une poudre rouge ou blanche, qui constituait la poudre de projection. La blanche projetée sur le métal inférieur ne pouvait donner naissance qu’à l’argent ; la rouge seule produisait l’or. Dans les recherches par la voie humide, on avait recours principalement à la distillation. Moins était claire l’idée que les alchimistes eux-mêmes se faisaient des phénomènes qui accompagnaient leurs expériences, plus ils enveloppaient leurs recherches d’allégories mystiques et symboliques. Les sciences physiques s’appelaient alors sciences occultes.
Le premier qui ouvre l’histoire moderne de l’alchimie est Abou-Moussah Djafar-al-Sofi, si connu sous le nom de Geber. Il vivait au huitième siècle. Parmi les plus illustres d’entre les Arabes qui s’occupèrent d’alchimie, on peut citer : Mohammed Abou-Bekr Ibn-Zacaria (Rhazès), aux neuvième et dixième siècles ; Abou-Ali-Hossein Ibn-Sina (Avicenne), dixième et onzième siècles ; Ibn-Rochd (Averrhoès), douzième siècle. Un des plus anciens alchimistes de l’Occident dont on ait gardé la mémoire est Hortulanus. Les plus célèbres furent Albert le Grand, saint Thomas d’Aquin, que son traité De Re Metallica peut faire considérer comme un des adeptes ; Raymond Lulle, qui, pendant son séjour à Londres, transmuta, dit-on, pour le roi Édouard Ier une masse de cinquante mille livres pesant de mercure en or, avec lequel furent frappés les premiers rosenobles ; Roger Bacon, auteur de traités sur l’alchimie où il fait preuve d’un grand savoir et d’une connaissance approfondie des écrits des Arabes. C’est probablement d’eux qu’il tenait le secret de la poudre à canon. Il faut encore citer, en France, Arnaud de Villeneuve et Pierre de Villeneuve son frère, Nicolas Flamel, Guide de Montanor, Jean Fernel, Jean de Meung ; en Italie, Pierre de Salente, Trévisan, Aurélius Augurelle, Jean de Rupescina, Jean Chrysippe ; en Allemagne, Bernard de Trêves, Jean Isaac de Hollande, Georges Ripley, et surtout Basile Valentin, si célèbre par ses travaux sur l’antimoine.
Le quinzième siècle vit l’alchimie prendre une direction nouvelle ; elle enrichit la thérapeutique d’un grand nombre de préparations chimiques. Mais ce fut surtout dans le siècle suivant que l’application de l’alchimie à la médecine reçut un prodigieux accroissement, grâce aux efforts de Paracelse. On cite encore les noms de Philalèthe, de Becker, et surtout de Glauber, et de Kunckel de Lœvenstern. Le docteur Price est le dernier des adeptes dont le nom ait quelque notoriété.
Sans rappeler tout ce que nos sciences modernes doivent à l’alchimie, aux patientes recherches et aux travaux gigantesques de ces chercheurs infatigables qui ont doté l’humanité de ses plus fécondes découvertes, entre autres du phosphore, des préparations du mercure, du kermes mineral, de la porcelaine, etc., il est évident que les alchimistes du moyen âge et peut-être de l’antiquité ont eu connaissance de la plupart de nos découvertes modernes, du gaz hydrogène par exemple. Si elles se sont perdues, c’est que la science était obligée, dans ces temps d’ignorance générale, de se cacher et de se taire. L’exemple de Roger Bacon, condamné à passer une partie de sa vie en prison, malgré son éloquente déclaration sur la nullité de la magie, en est une preuve trop convaincante.