Aliénation mentale

  • Encyclopédie de famille

Aliénation mentale. On comprend sous cette dénomination toute espèce de dérangement ou d’imperfection des facultés de l’esprit, tout état anormal de l’intelligence, tout désordre dans les fonctions du cerveau. Employer les mots aliénation mentale comme synonymes de folie c’est confondre le genre avec l’espèce. Il faut placer parmi les aliénations mentales le délire, la démence, l’extase, la folie, les hallucinations, l’hypocondrie, l’idiotie, la manie, la monomanie, etc., etc. Il y a des aliénations très difficiles à être saisies et bien caractérisées, même par les médecins ; car elles commencent souvent d’une manière imperceptible, et elles augmentent par degrés, sans qu’on s’en doute, au point que depuis l’excentricité de certains caractères que l’on remarque à peine, ou l’extravagance de certains individus dont la raison s’altère, jusqu’à la manie furibonde, il n’y a eu que des nuances de la même maladie.

Les diverses aliénations mentales peuvent reconnaître des causes différentes. Plus généralement, elles dépendent d’une mauvaise organisation du cerveau, d’une sorte de prédisposition. Quant aux cerveaux bien organisés, les causes qui en troublent les fonctions sont les travaux de l’esprit prolongés ou poussés au delà de la puissance cérébrale, ou encore quand quelqu’un se livre à des occupations d’esprit pour lesquelles il n’est pas né. Pour les têtes médiocres, la cause ordinaire du dérangement de leur esprit est l’excitation constante de leurs penchants et de leurs sentiments ; c’est l’éducation mal dirigée, la cupidité, la vanité, la superstition et le fanatisme ; c’est l’épuisement des facultés par l’abus de toutes les fonctions de la vie matérielle. Finalement, il faut ajouter les lésions de l’encéphale, les maladies et les malheurs imprévus qui arrivent à des personnes douées d’une trop grande sensibilité. Les affections de certains organes de la vie végétative peuvent propager leur irritation au cerveau, et donner lieu à une aliénation sympathique.

Le Code, d’accord avec l’Académie, ne regarde comme aliénées que les personnes qui sont dans un état habituel de démence, de fureur ou d’imbécillité. Les aliénés ne perdent leurs droits civils et politiques que par l’interdiction ; c’est-à-dire qu’un jugement est nécessaire toutes les fois qu’on veut empêcher quelqu’un frappé d’aliénation mentale d’exercer ses droits. Lorsqu’il s’agit de donations entre vifs et par testaments, les tribunaux peuvent toujours annuler ces actes s’il est prouvé que le contractant n’avait pas sa raison quand ils ont été faits.

Avant la loi du 6 juillet 1838, les aliénés étaient presque hors la loi commune. On prenait des précautions pour protéger les individus et l’ordre public contre leur fureur ; mais la liberté individuelle pouvait être compromise. Maintenant le sort des personnes frappées d’aliénation mentale est confié à une sage surveillance de la part de l’autorité publique. La loi veille à ce que nul individu ne puisse, sous prétexte d’aliénation mentale, être prive de la libre disposition de sa personne. Les établissements destinés à recevoir et à soigner les aliénés sont surveillés avec une grande sévérité.

Chaque département est tenu d’avoir un établissement public spécialement destiné à recevoir et soigner les aliénés, ou de traiter à cet effet avec un établissement public ou privé, soit de ce département, soit d’un autre. Le préfet de police à Paris et les préfets dans les départements peuvent ordonner d’office le placement dans un établissement d’aliénés de toute personne interdite ou non interdite dont l’état d’aliénation compromettrait l’ordre public ou la sûreté des personnes. Ces ordres doivent être motivés. En cas de danger imminent, les commissaires de police ou les maires prennent provisoirement les mesures nécessaires, sauf à en référer au préfet dans les vingt-quatre heures.

Parmi les établissements d’aliénés célèbres, on cite Charenton, Bicêtre, la Salpétrière, en France ; Bedlam, en Angleterre ; la Charité, à Berlin ; l’hospice d’A versa, près de Naples ; la maison d’Avanches, près de Lausanne ; la colonie d’aliénés a Gheel, près d’Anvers. Cette colonie, invention de la philanthropie mpderne, offre cela de remarquable, que ses aliénés, au nombre de quatre à cinq cents, sont distribués chez les habitants, qui en prennent soin eux-mêmes. En France, des exploitations agricoles ont été créées dans la plupart des asiles d’aliénés. Cette mesure a produit les plus heureux résultats : le travail dans les champs combiné avec les soins médicaux amène un certain nombre de guérisons. En 1863 le département de la Seine a été autorisé à construire deux vastes asiles agricoles et une maison clinique à Paris pour le traitement des aliénés. Une société de patronage des aliénés sortis guéris des hospices de la Salpètrière et de Bicétre est présidée par l’archevêque de Paris.