Amnistie
- Encyclopédie de famille
Amnistie (d’un mot grec qui signifie oubli). C’est un acte du pouvoir souverain, qui a pour objet de faire oublier un crime ou un délit. Proprement, l’amnistie est un pardon général accordé avant jugement à des individus qui ont pris part à des crimes ou délits spécifiés ; par extension, c’est un acte de clémence qui proclame l’oubli des crimes ou délits commis par toute une classe de coupables, que ceux-ci soient déjà condamnés ou seulement accusés. Les amnisties sont générales, ou partielles, selon qu’elles Comprennent tous les coupables d’une catégorie de crimes ou qu’elles en exceptent un certain nombre. L’amnistie peut s’appliquer à toutes les espèces de crimes ou délits ; mais l’histoire s’occupe surtout des amnisties pour crimes politiques. Les souverains les accordent ordinairement à l’occasion de quelque événement heureux ou de leur avènement. « L’amnistie, a dit M. de Peyronnet, est souvent un acte de justice, quelquefois un acte de prudence et d’habileté. » On stipule en général dans les traités amnistie pleine et entière pour ceux qui ont pu se montrer réciproquement favorables aux puissances qui stipulent.
Dans les monarchies, le droit d’amnistie semble résulter du droit de faire grâce. Sous la constitution de 1848, le président de la République pouvait faire grâce après avis du Conseil d’État ; mais il ne pouvait proclamer une amnistie sans le concours de l’Assemblée nationale. La constitution du 14 janvier 1852 rétablit en entier le droit de grâce dans les mains du président. Le sénatus-consulte du 25 décembre 1852 a rendu le droit d’amnistie à l’empereur.
Les criminalistes font une distinction entre amnistie et grâce. « L’amnistie diffère de la grâce, a dit la Cour de cassation dans un arrêt, en ce que l’effet de la grâce est limité à tout ou partie des peines, tandis que l’amnistie emporte abolition des délits, des poursuites ou des condamnations, tellement que les délits sont, sauf l’action civile des tiers, comme s’ils n’avaient jamais existé. » M. Dupin ajoute : « L’amnistie prévient la condamnation, la grâce fait remise de la condamnation prononcée. L’amnistie arrête le juge ; la grâce n’arrête que le bourreau, le geôlier et le percepteur. » De ce que l’amnistie abolit le crime, il est bien entendu qu’un second délit commis après le premier ne peut donner lieu à l’application des peines de la récidive. Le condamné amnistié est habile à déposer en justice ; enfin l’amnistie accordée au coupable emporte de plein droit l’amnistie du complice.
Les Athéniens furent les premiers qui employèrent le tenue d’amnistie. Ils appelèrent ainsi la loi que fit rendre Thrasybule lorsqu’il rétablit le gouvernement démocratique. Cette loi portait qu’aucun citoyen ne pourrait être recherché ni puni pour la conduite qu’il avait pu tenir dans les troubles causés par le gouvernement des trente tyrans. À Rome bien souvent les partis qui déchiraient la république, las de se massacrer, mettaient bas les armes et s’amnistiaient.
Parmi les amnisties célèbres dans l’histoire nous citerons celle qui fut accordée par le traité de Passau. Par le traité de Munster il fut également accordé une amnistie pleine et entière, dont l’exécution trouva de grands obstacles. Charles II, rétabli sur le trône d’Angleterre, publia une amnistie générale ; le parlement en excepta les régicides, c’est-à-dire les juges de Charles Ier. La révolution française est riche en amnisties. Après la première restauration, le nouveau gouvernement se borna à déclarer par l’article 11 de la Charte que nul ne pouvait être poursuivi pour opinions politiques. Maigre son abdication, Napoléon, à son retour de l’île d’Elbe, considéra tous ceux qui avaient coopéré au renversement du trône impérial, en 1814, comme criminels d’État, et leur accorda une amnistie pleine et entière, dont il n’excepta que treize des plus compromis, tels que le priuce de Talleyrand, le duc de Dalberg, Bourrienne, etc. À la seconde restauration l’amnistie en faveur de ceux qui avaient pris part à l’usurpation de Napoléon ne fut publiée que le 12 janvier 1816. Ney, Labédoyère, Lavalette, Bertrand, Rovigo et d’autres en furent exceptés. L’ordonnance du 24 juillet 1815 les avait placés sous le coup d’une enquête judiciaire. Les régicides et les membres de la famille Bonaparte furent exilés de France. Le roi se réservait en outre la faculté de bannir du royaume, dans l’espace de deux mois, le maréchal Soult, Bassano, Vandamme, Carnot, Hullin, Merlin, etc.
Sous le gouvernement de Louis-Philippe une grande amnistie politique fut proclamée en 1837, à l’occasion du mariage du duc d’Orléans. Sous la république, de 1848 à 1851, il n’y eut pas d amnistie ; il n’y eut que des grâces nombreuses. Un décret du 16 août 1859, rendu par l’empereur, à son retour de la guerre d’Italie, accorda amnistie pleine et entière à tous les individus condamnés pour crimes et délits politiques ou soumis à des mesures de sûreté générale.