Ana

Ana, terminaison latine qui, ajoutée au nom propre d’une personne, indique un recueil de ses pensées détachées, de ses observations et d’anecdotes recueillies par elle ou sur elle. « Au dix-septième siècle, dit M. Édouard Thierry, les amis d’un homme célèbre recueillaient après sa mort cc qu’ils avaient retenu de lui dans leurs entretiens mutuels, quelques vives ou justes reparties, un petit nombre d’anecdotes, principalement des solutions données sur certains points obscurs de bibliographie et de critique. Cela s’appelait Carpenteriana, Huetiana, Valesiana, comme on eût dit Fragments recueillis du savant M. Charpentier, du docte évêque d’Avranches, et de M. Adrien de Valois, historiographe de France. C’était l’érudition que l’on recherchait d’abord dans les ana, ce furent ensuite les bons mots et les anecdotes. Le temps fit son triage accoutumé : il mit d’un côté les maussades et ennuyeux ana, le Perroniana, le Natidæana, le Sorberiana, que sais-je encore ? de l’autre les ana conteurs et amusants, le Segraisiana, l’Arlequiniana, le Santoliana et le reste. Les premiers disparurent dans un tel oubli que le nom resta tout entier aux autres ; mais il finit par perdre sa signification véritable, et un ana ne fut plus qu’un recueil de facéties à la douzaine, de soi-disant bons mots et de plaisanteries hors de mise. » Citons encore le Menagiana, le Scaligerana, le Thuana, le Furetieriana, etc. Les Anglais ont un Baconiana, les Allemands le Taubmaniana, les Danois le Tychoniana, les Américains le Washingtoniatia. On a publié à Dresde un Livret des Ana et à Bruxelles une Bibliographie des Ana. Les anciens avaient aussi leurs ana. Les Memorabilia de Xénophon, les Vies des Philosophes, par Diogène de Laerte, les Nuits attiques d’Aulu-Gelle abondent en mots ingénieux ou piquants, en maximes chatoyantes ou gracieuses. Quintilien rapporte qu’un affranchi avait recueilli tous les propos facétieux dé son maître ; un affranchi de Mécène avait également noté les bons mots de ce spirituel protecteur des Muses.