Anabaptistes

  • Encyclopédie de famille

Anabaptistes (de deux mots grecs signifiant je baptise de nouveau). C’est ainsi qu’on désigné les chrétiens qui, rejetant le baptême des enfants, limitent aux adultes les bienfaits de ce sacrement, et dès lors soumettent à un nouveau baptême tous les chrétiens qui embrassent les opinions de leur secte, encore bien qu’ils aient été déjà baptisés dans leur enfance. Cette dénomination, leur fut imposée par leurs adversaires dès leur première apparition, au seizième siècle ; mais ces sectaires l’ont toujours repoussée.

À l’origine, tous ceux que l’on avait compris d’abord sous le nom de Rebaptisants se bornaient à défendre la doctrine du baptême des adultes. Celui des enfants, qui n’avait point été en usage dans les temps de l’Église primitive, avait déjà été combattu au moyen âge par Jean Wiclef et par quelques sectes hérétiques. Quand la réformation présenta la Bible comme la source unique de la foi, on vit des sectaires s’efforcer de combattre le baptême des enfants comme une pratique contraire aux saintes Écritures. Ils élevèrent la voix en Suisse peu de temps après la venue de Zwingle ; et leurs doctrines eurent encore plus de retentissement en Allemagne, surtout en Saxe, quand Nicolas Storch et Marc Thomæ, tous deux teinturiers en drap, et trois hommes plus instruits, Marc Stubner, Martin Cellarius et Thomas Munzer, se chargèrent de les propager. Ces fanatiques avaient la prétention de fonder sur la terre un royaume céleste, se vantaient de révélations particulières, et soumettaient à la formalité d’un nouveau baptême tous ceux qui adoptaient leurs doctrines ; ils contribuèrent à provoquer la guerre dite des Boures ou des Paysans. Suivant eux, les laïques étaient toujours aptes à conférer le baptême. Us refusaient d’admettre la juridiction hiérarchique de l’Église et voulaient introduire une complète égalité parmi tous les fidèles. L’autorité supérieure s’efforça de combattre les progrès qu’ils firent à partir de l’année 1524, particulièrement parmi les classes inférieures sur les bords du Hhin, en Westphalie, en Holstein et en Suisse. En Allemagne, les empereurs et les diètes impériales rendirent dès 1525 des ordonnances contre les anabaptistes, avec la peine de mort pour sanction ; et elles furent exécutées dans plus d’un cas. Il en fut de même en Suisse et dans les PaysBas. Le landgrave de Hesse se contentait de les faire emprisonner et catéchiser.

La ville de Munster, en Westphalie, fut le principal théâtre de l’activité des anabaptistes ; c’est là qu’ils s’efforcèrent de réaliser leurs rêves d’un règne visible de Jésus-Christ sur la terre. Melchior Hoffmann, pelletier, originaire de la Souabe, fut le premier qui prêcha la doctrine d’un nouveau royaume de Sion, à Kiel en 1527, et à Emden eu 1528, d’où il se rendit à Strasbourg, où il mourut en prison en 1540. Avant de quitter Emden, il avait établi comme évêques de la nouvelle communauté Jean Trypmaker et Jean Matthiesen, boulanger d’Harlem. Pendant que les partisans d’Hoffmann attendaient de Strasbourg la nouvelle de la fondation d’un nouveau royaume de Sion, Trypmaker avait quitté la Frise pour se rendre à Amsterdam, à l’effet d’y prêcher les nouvelles doctrines ; mais il expira sur un gibet, à La Haye. Aussitôt qu’Hoffmann en fut informé, il conseilla par écrit à ses disciples de suspendre les baptêmes. Ce conseil déplut à Matthiesen. Celui-ci enrôla douze apôtres, dont deux se rendirent à Munster, où ils trouvèrent de fanatiques coopérateurs dans les bourgeois Knipperdolling et Krechting, ainsi que dans le prêtre Rothmann. Cette ville fut pour la première fois le théâtre de sanglants désordres, quand deux autres envoyés de Matthiesen, Jean Bockhold ou Bockelson, tailleur de Leyde, et Gerrit Kippenbroek, vulgairement appelé Gerrit le Relieur, y arrivèrent d’Amsterdam ; et ces troubles ne cessèrent que lorsque Matthiesen s’y fût rendu de sa personne. Matthiesen entra en prophète à Munster et détermina le peuple à lui livrer son or, son argent et tout ce qu’il avait de plus précieux pour désormais être le bien commun de tous, ainsi qu’à brûler tous les livres, à l’exception de la Bible ; mais il fut tué dans une sortie faite contre l’évêque de Munster, qui assiégeait la ville. Bockhold et Knipperdolling se proclamèrent alors prophètes. On détruisit les églises, et on institua douze juges pour présider aux douze tribus, comme dans Israël. Cette forme nouvelle de gouvernement ne tarda pas à être rejetée, et Jean Bockhold se fit proclamer roi de la nouvelle Sion sous le nom de Jean de Leyde. À partir de ce moment (1534), Munster devint le théâtre de tous les déportements d’un fanatisme sauvage, de fa débauche la plus immonde et de la cruauté la plus effrénée. Plusieurs princes, faisant cause commune avec l’évêque, s’emparèrent de cette ville, le 24 juin 1535, et mirent ainsi fin à la puissance des anabaptistes, dont les principaux chefs périrent dans les supplices. Sur les vingt-cinq apôtres que Jean Bockhold avait déterminés à quitter Munster pour aller prêcher au loin la foi nouvelle, il y en eut qui réussirent en divers lieux à faire des prosélytes ; d’autres, complètement indépendants, étaient allés prêcher ailleurs la même foi et trouvaient aussi des partisans. Ceux-ci condamnaient, il est vrai, la polygamie, la communauté des biens et les cruautés qui avaient été pratiquées à Munster par leurs coreligionnaires contre les hommes qui ne partageaient pas leurs idées religieuses ; mais ils continuaient à prêcher toutes les doctrines des anabaptistes primitifs, et en outre quelques idées à eux sur l’incarnation de Jésus-Christ.

Après Hoffmann, celui de ses adhérents qui fit le plus parler de lui fut le nommé David Joris, peintre sur verre, né à Delf en 1534. Il se fit un grand nombre de partisans par ses ouvrages de théosophie, où il témoigne d’une puissante imagination, ainsi que par ses efforts pour réunir et concilier les partis acharnés qui déchiraient la secte des anabaptistes. On étudia surtout son Livre de Miracles, publié, en 1542, à Deventer ; et on le regarda luimême comme un nouveau Messie. Après avoir beaucoup varié dans ses opinions, il erra longtemps de côté et d’autre jusqu’à ce qu’enfin, pour éviter les persécutions, il vint s’établir comme bourgeois, en 1544, sous le nom de Jean de Bruges, à Bâle, où il mourut en 1556, après avoir mené une vie honorable dans la communauté des réformés. Ce ne fut qu’en 1559 qu’on découvrit son hérésie, qu’il avait pris soin de dissimuler. Mais alors le conseil de Bâle fit faire le procès à sa mémoire. Par suite de la condamnation qui fut prononcée, on exhuma son cadavre et on suspendit ses ossements au gibet. D’autres prophètes anabaptistes continuèrent encore à apparaître jusqu’au milieu du seizième siècle, à troubler la tranquillité publique et à augmenter le nombre des martyrs de cette secte. Dans le nombre des hérétiques que le duc d’Albe fit périr dans les Pays-Bas, il y avait beaucoup d’anabaptistes.