Anguille

  • Encyclopédie de famille

Anguille. Les anguilles forment un groupe particulier parmi les poissons apodes, c’est-à-dire dépourvus de nageoires ventrales. Elles sont longues et minces, couvertes d’écailles profondément enfoncées dans la peau, et ont des dents tranchantes et aiguës. Leur couleur varie suivant l’âge, et, à ce qu’il paraît, suivant la qualité des eaux où elles vivent. Celles qui habitent les eaux limpides ont le dos verdâtre rayé de brun, et le ventre argenté, tandis que celles que l’on pèche dans la vase sont d’ordinaire brun noirâtre en dessus et jaunâtres en dessous. La forme de leur museau varie aussi, ; et ces différences caractérisent quatre espèces distinctes, vulgairement designées sous les noms d’anguille verniaux, d’anguille long-bec, d’anguille plat-bec et d’anguille pimpernaux. Elles atteignent quelquefois une longueur d’un et même de eux mètres. Ce sont alors des espèces de monstres hideux à voir, dont les mouvements tortueux rappellent ceux des serpents, moins la souplesse de ces derniers. La mucosité dont se couvre leur peau, en général de couleur triste, est véritablement dégoûtante. Cette mucosité les fait échapper facilement des mains lorsqu’on veut les tenir. Les mœurs de l’anguille sont d’ailleurs analogues à sa tournure suspecte : nageant avec autant de facilité en arrière qu’en avant, le plus souvent rampant au fond des mares sur la vase qu’elle sillonne ; nocturne, sauvage, vorace, elle se vautre dans la boue, qui semble être son élément, afin d’y passer la saison froide, ou pour y surprendre sa proie. Pendant une grande partie de sa vie, elle habite les eaux douces, et fréquente les étangs et les mares aussi bien que les rivières. Lorsqu’elle ne se tient pas enfoncée pendant le jour dans la vase, elle se cache dans des trous qu’elle se creuse près du rivage. Ces trous sont quelquefois très vastes et logent un grand nombre d’individus à la fois ; leur diamètre est petit, et ils s’ouvrent au dehors par leurs deux extrémités, ce qui permet à l’animal de fuir plus facilement lorsque quelque danger le menace. Quand la saison est très chaude, et que l’eau stagnante des étangs commence à se corrompre, l’anguille quitte le fond, et se cache sous les herbes du rivage, ou même se met en voyage pour aller, à travers les terres, chercher une localité plus favorable. Elle peut en effet ramper sur le sol à la manière des serpents, et rester longtemps à l’air sans périr. C’est ordinairement pendant la nuit qu’elle fait ces voyages singuliers ; et quand la sécheresse est extrême, elle s’enfonce dans la vase pour y rester enfouie jusqu’à ce que l’eau soit revenue. D’ailleurs ces animaux ne voyagent pas toujours seulement pour passer d’un étang à un autre ; comme leur chair prend facilement le goût des lieux qu’ils fréquentent, il est à croire qu’ils ne sont pas indifférents à la nature des eaux qu’ils peuvent rencontrer. C’est probablement a cause de cela qu’on les voit souvent remonter certains ruisseaux ou rivières eu troupes innombrables. Ce phénomène s’appelle la montée, pébale, civèle ou bouiron, selon les contrées ; on en profite pour s’emparer de jeunes anguilles, que l’on peut facilement transporter dans d’autres eaux, mais les anguilles dépeuplent parfois ces eaux. Il existe dans l’Adriatique des pêcheries d’anguilles de premier ordre, entre autres celle de la lagune de Commachio, où la pêche est très abondante, et qui est le siège d’un établissement consiérable. La Mira et Treporté, près de Venise, font concurrence à Commachio : on y marine les anguilles prises dans les vallées vénitiennes et à Chioggia. Londres consomme une grande quantité d’anguilles apportées vivantes souvent par des galiotes hollandaises. Des établissements ont la spécialité des pâtés d’anguilles et de ces potages visqueux connus sous le nom de soupes à la queue de bœuf, dans la confection desquels l’anguille et la tête de veau entrent pour une bonne part.

Les noms d’anguilles du vinaigre, de la colle, etc., ont été donnés à certains animalcules microscopiques, parce que la forme très mince et très allongée de leur corps offre de la ressemblance avec celle de l’anguille. Confondus d’abord avec les vibrions, ces vers nématoïdes ont été réunis en un seul genre, auquel M. Ehrenberg a donné le nom d’anguillule. Une espèce remarquable, étudiée par Bauer sous le nom de vibrio tritici, et qui se trouve dans le blé niellé, jouit de la propriété de se dessécher entièrement sans perdre la vie. On en trouve des amas considérables dans l’intérieur de ces grains de blé, où elles remplacent la fécule. Ces anguillules offrent l’apparence de fibrilles sèches, jaunâtres et cassantes, mais, humectées avec de l’eau, elles se gonflent peu à peu et ne tardent pas à remplir les fonctions de la vie.