Acclimatement
- Hygiène
- A. Duponchel
- Encyclopédie moderne
Acclimatement. Bien que l’homme paraisse destiné à vivre sous toutes les latitudes ; bien qu’il ait, plus que tous les autres animaux, la faculté de se plier à toutes les influences atmosphériques, et qu’il soit en quelque sorte cosmopolite, cependant il ne change jamais de climat sans courir des dangers, qui acquièrent une certaine gravité quand il se transporte dans un pays tout à fait différent de celui qu’il quitte. Il faut, dans ce cas, que l’organisme subisse un changement profond, qui rend celui qui l’a subi semblable, sous bien des rapports, aux naturels du pays qu’il est venu habiter, mais qui ne peut être amené que par un séjour prolongé sous le nouveau climat.
Les habitants des régions tempérées possèdent la faculté d’acclimation au plus haut degré. Le froid rigoureux qu’on y éprouve en hiver, la chaleur intense qui s’y fait sentir pendant l’été, les rendent aptes à vivre sous d’autres climats. Il n’en est pas de même de ceux des régions boréales on équatoriales ; ils ne peuvent être transportés sans péril dans des climats opposés à ceux qui les ont vus naître. Ainsi, il est d’observation que parmi les habitants des tropiques qui viennent résider en France, il en est un grand nombre qui, dans les premières années de leur séjour, sont enlevés par des affections, soit aiguës, soit chroniques, de poitrine. Et, d’un autre côté, les individus des misérables peuplades qui habitent la terre glacée des régions arctiques, meurent infailliblement quand on les transporte dans d’autres pays : il est vrai que chez eux il se joint à faction du climat une influence toute morale, une sorte de spleen, une nostalgie qui leur rend insupportable toute autre contrée que la leur.
Le changement le plus remarquable produit chez l’homme par l’acclimatement est celui que l’on observe chez l’Européen qui a résisté au climat meurtrier des Antilles. Si l’un de nos compatriotes arrive dans une de ces îles, il est frappé, en débarquant, de la pâleur fiévreuse de tous les blancs ; du calme, de la froideur qui les caractérise, de l’excessive lenteur de leurs mouvements. Tous les traits semblent empreints d’une sorte de souffrance maladive qui se mêle à un air d’indifférence absolue ; point de gaieté, point de visage épanoui. Mais bientôt il s’habitue à ces impressions qui l’ont si fortement affecté ; il change lui-même peu à peu, et il ne tarde point à produire sur les nouveaux venus l’effet qu’il a lui-même éprouvé : c’est qu’il est acclimaté. Il peut être mis dès lors au nombre des indigènes, il n’est plus soumis aux maladies qui moissonnent tant d’Européens ; mais aussi il devient apte à contracter celles de ses nouveaux compatriotes, maladies auxquelles il avait pu échapper jusqu’au moment de son acclimatement.
Il est certains pays où l’acclimatement n’est point possible ; ce sont les contrées marécageuses aux bords de la mer, où règnent endémiquement des fièvres intermittentes ; l’homme qu’un malheureux destin y attache est dévoué à une mort certaine, au bout d’un temps plus ou moins long. D’autres localités, quoique moins pernicieuses, les grandes villes, par exemple, où une masse considérable d’habitants se trouve agglomérée, ne sont pas sans danger pour ceux qui y arrivent. À Paris, il faut un véritable acclimatement, pour échapper aux causes toujours renaissantes de fièvre typhoïde, cruelle maladie qui décime chaque année la population mobile d’étudiants, d’ouvriers, de soldats que les départements y versent sans cesse.
L’homme, en changeant de climat, se trouve donc soumis à une influence complexe résultant de l’action du calorique, de la lumière, de l’électricité, des diverses qualités de l’air, du sol, de la nature des eaux, des productions, et peut-être encore d’autres agents dont nous ignorons l’existence. Et ce n’est que par une étude approfondie de ces différentes causes, et par une longue application des règles de l’hygiène, qu’il peut parvenir sans secousse aux modifications qu’amène sa nouvelle position.
Les Anglais, dont les établissements s’étendent sur toute la surface du globe, font passer successivement, et par gradation, leurs troupes d’Angleterre dans leurs possessions méditerranéennes, puis à l’Île de France, puis aux Indes, etc., etc. Ils doivent à cette sage précaution de n’avoir dans leur armée qu’une mortalité insignifiante. C’est un exemple que nous devrions suivre ; et il serait peut-être avantageux de transporter, dans nos possessions d’Afrique, le dépôt de nos régiments coloniaux qui se trouve maintenant en Bretagne.