Amour

  • Aug. Husson et C.-M. Paffe
  • Encyclopédie de famille

Amour. Dans Dieu l’amour est un attribut qui suppose la boulé et la liberté. Il consiste dans la volonté de faire du bien à ses créatures et de les attirer à lui. C’est de cet amour que découlent tous les biens. Il est actif, constant ; il se répand sur tous les êtres, mais d’une manière inégale, et comme il convient à celui qui est la souveraine perfection. Cette inégalité ne provient pas du caprice, mais des différences de nature et de mérite des objets de cet amour.

Tous les phénomènes de la vie organique, toutes les tendances de la vie morale, démontrent la prévoyance et la sagesse de Dieu, dont l’amour est la plus belle manifestation. C’est l’amour qui relie les sociétés humaines ; c’est lui qui crée la famille, qui charme et embellit le foyer domestique ; sans lui, la patrie, l’humanité, Dieu, ne sont plus que des mots vides de sens. L’amour est la base de la vraie religion, de toutes les vertus, de toute sociabilité, de toute morale : c’est ainsi que l’on comprend ces simples et sublimes paroles de l’Évangile : « Aimez Dieu par-dessus toutes choses ; aimez votre prochain comme vous-mêmes. Tous les hommes sont frères. »

L’amour peut donc être défini (si on le considère dans l’homme) un mouvement sympathique qui nous porte vers une chose ou divine, ou idéale, ou humaine.

Le cœur de l’homme est un foyer toujours actif, d’où rayonnent incessamment une foule d’affections diverses, qui se développent à mesure que ses facultés grandissent, que ses relations sociales se multiplient, et qui président à son bonheur moral dans toutes les phases de son existence. Enfant, il sourit déjà aux caresses de sa mère, et c’est dans son sein qu’il épanche ses joies naïves et ses premières douleurs. Plus tard, l’homme songe à se donner une compagne dévouée, qui consente à partager avec lui les charmes de la vie intime, les charges et les devoirs de la vie sociale, et dès lors son cœur s’abandonne à des émotions que son imagination avait rêvées longtemps avant de les connaître. Bientôt une jeune famille se groupe autour de lui : nouvelles sources d’affections, de soins, de sollicitudes ! Ce n’est pas tout, l’homme s’élève par degrés à un ordre de sentiments supérieurs qui participent à la fois du cœur et de l’intelligence ; son âme, naturellement expansive, semble se répandre sur tout ce qui l’environne et en quelque sorte vouloir franchir le temps et l’espace. L’amour de l’estime, de la gloire, de la liberté, lui fait rechercher les actions utiles, grandes, généreuses. L’amour de la patrie le rend capable de tout sacrifier au bonheur ou à la gloire de ses concitoyens. L’amour de l’humanité le pousse à étendre sa sollicitude jusque sur l’avenir et à préparer les perfectionnements des générations futures. Enfin, l’amour des beautés infinies de la création et des merveilles de son être, joint à la conscience de sa force et de sa dignité propres, élève son cœur et sa pensée à la conception du Créateur et à l’amour de Dieu lui-même.

L’amour est le premier élan de l’âme vers les objets qui sont pour elle un élémênt de plaisir. Ce qu’il y a de plus remarquable dans l’amour, c’est qu’il peut prendre deux caractères distincts et tout à fait différents. Il peut devenir intéressé ou désintéressé, ou, si l’on aime mieux, personnel ou impersonnel. L’amour à son origine n’a point encore de caractère déterminé. L’homme commence par aimer tout ce qui lut agrée, par cela seul qu’il y trouve son bien. Ainsi il aimera la vérité au même titre qu’un mets agréable, parce qu’il trouve du plaisir à connaître comme il en trouve à savourer. Mais quand ses facultés sont parvenues à un certain développement, qui lui permet de se distinguer de ce qui n’est pas lui, d’avoir une conscience plus vive de sa personnalité, et de considérer séparément le moi et les objets de sa sympathie, alors ses affections prennent une direction mieux déterminée, et se partagent en deux sortes de sentiments bien distincts, selon qu’elles ont le moi ou le non-moi pour objet. Ainsi, l’amour que l’homme aura pour son intelligence sera l’amour-propre, l’orgueil ; celui qu’il aura pour le bien de son activité, de sa puissance, sera l’ambition, l’amour des richesses, etc. ; celui qu’il aura pour le développement de ses facultés affectives sera la sensualité, l’amour du plaisir. Toutes ces passions intéressées constituent l’égoïsme.

Mais quand l’homme, au lieu de se considérer lui-même comme sujet de ses affections, envisage les êtres qui sont en dehors de lui, et les envisage comme l’objet de ses sentiments et de ses sympathies, comme la source des plaisirs qu’il a ressentis de leur part, l’amour qu’il éprouve pour eux prend le caractère d’une bienveillance dégagée de toute considération personnelle. L’âme, en effet, semble alors s’oublier et sortir d’elle-même pour se préoccuper des intérêts de l’objet aimé. Elle vit pour ainsi dire en lui, fait cause commune avec lui, s’intéresse à son bienêtre, comme elle s’intéresserait au sien propre ; elle a réellement changé de rôle. Voilà pourquoi les affections sont dites alors impersonnelles ou désintéressées. Telles sont l’amour filial, l’amour des parents pour leurs enfants, l’amour des époux, l’amitié, l’amour de la patrie, l’amour de l’humanité ou la philanthropie, l’amour du vrai, du beau ou du bien que l’homme peut considérer en eux-mêmes comme la un glorieuse de ses facultés ; enfin l’amour de Dieu, qui est la source et la substance du beau, du vrai et du bien.