Aigrette

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Aigrette. Chez les anciens, l’aigrette, parure du casque, était ou une poignée de crins qui flottaient derrière la nuque, ou une touffe de plumes, soit blanches, soit rouges, soit noires, qui s’élevaient d’un pied et demi, ou une plaque de métal, tantôt dorée, tantôt argentée, toujours jetant un vif éclat. Suivant Pline, l’aigrette, que les Latins appelaient indifféremment crista et pinna, était d’invention carienne. Les Romains des premiers siècles n’en firent point usage, ils l’empruntèrent plus tard des Samnites. Leurs généraux l’avaient d’abord méprisée comme un ornement inutile : Cristae vulnera non faciunt, disaient-ils ; mais ils remarquèrent ensuite que cet ornement, ajouté à la taille des soldats, les faisait paraître, non pas une ibis aussi grands qu’ils l’étaient, comme le prétend Polybe, mais du moins beaucoup plus grands, et pouvait, par cette raison inspirer une sorte de terreur à leurs ennemis. En conséquence, tous les légionnaires, excepté les vélites, portèrent sur leurs casques un panache de trois hautes plumes droites. Au temps de Végèce, les casques des centurions ne différaient de ceux des simples soldats que par leur aigrette, qui était ordinairement en métal. Dans la suite, il n’y eut que les officiers qui portèrent des aigrettes, et ces aigrettes furent plutôt en crins qu’en plumes.

L’aigrette moderne, l’aigrette proprement dite, est de plumes ; elle est de plumes blanches qui proviennent d’une espèce de héron précisément appelé aigrette. Les Goths en introduisirent la mode dans les carrousels du moyen âge ; mais ce fut des Orientaux surtout, et à la suite de l’expédition d’Égypte, que les généraux français l’adoptèrent, car ils avaient vu de grands dignitaires turcs en porter jusqu’à trois à leur turban. Sous l’empire, l’aigrette passa des généraux aux soldats. Elle fut donnée en 1812 aux grenadiers, aux carabiniers et aux voltigeurs de l’armée française, et se porta au-dessus de la cocarde du shako ; mais au lieu d’être en plumes, elle fut en crins écarlates pour les carabiniers et les grenadiers, en crins jaunes pour les voltigeurs, et eut la forme d’une poire renversée. Abandonnée au commencement de la restauration, l’aigrette de 1812 reparut en 1821 ; seulement celle des voltigeurs devint jonquille, de jaune qu’elle était. L’année suivante, on donna une aigrette de plumes de vautour aux officiers de l’état-major de l’infanterie de ligne.

En 1832, toutes les aigrettes ont été supprimées, et des pompons de laine rouge ou jaune, offrant à peu près l’aspect d’une grenade enflammée, sont venus prendre leur place. Ces pompons eux-mêmes ont disparu de la coiffure adoptée pour certains régiments qui ont servi en Afrique, et il ne faut pas les regretter, car ils ne servaient absolument à rien. Au temps où les soldats combattaient corps à corps, il importait de leur donner un appareil imposant ; mais aujourd’hui que les troupes s’approchent rarement à cent cinquante pas, à quoi serviraient, pour notre infanterie, même les grands panaches cariens ou samnites ?